Ruines, chaleur, criques, sueur : l’épisode turc

Écrit par Paul Bellec.

 

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Paul 1er, Empereur de l’Empire Ottoman

Un vélo n’est pas fait pour voler à 800 km/h à 10 km d’altitude.
Je l’ai bien compris quand je suis arrivé à l’aéroport à 4h45 du matin pour mon vol Paris-Istanbul. Heureusement que mes parents m’ont accompagné car on n’était pas trop de trois pour parvenir à enregistrer mon deux roues dans les temps. C’était une véritable plaie.

Je connais mon premier choc de culture avec la Turquie dès que je m’assoie dans l’avion ou un couple âgé change de place en me voyant arriver pour que je sois assis à côté de monsieur et non de madame. Ou alors c’est parce que la sueur provoqué par le stress des deux dernières heures à courir dans tout l’aéroport fait trop souffrir madame, mais honnêtement je ne le pense pas.

J’arrive à Istanbul. La navette de l’aéroport me dépose en centre ville et évidemment je me perd immédiatement au milieu du chaos qui règne en permanence dans cette ville. Ca klaxonne, ça discute, ça s’engueule, les voitures roulent dans les voies de tram… bref je me dis qu’il vaut mieux que je marche avec mon vélo sur le trottoir si je ne veux pas écourter de manière brutale mon voyage.
Je parcours sept km à travers la ville au lieu d’en parcours deux si j’avais pris le chemin le plus court. Je retrouve Maxime, je suis content, il est content, nous mangeons un kebab.

 

Maxime et moi devant la Mosque Bleue
Maxime et moi devant la Mosque Bleue

Les deux jours à Istanbul ont été plutôt tranquilles. Maxime se plaint des prix et de la densité de gens dans la ville – je le soupçonne de devenir misanthrope à force de camper seul dans des forêts isolées.
Nous visitons les classiques : Sainte Sophie, la Mosquée Bleue, la citerne, le grand bazar, quelques mosquées et un bar diffusant le match Nadal-Djokovic. Nos hôtes Air BnB (Mustafa et sa copine) ont été très sympas quoiqu’un peut surprenant lorsqu’à minuit et demi alors que nous avons éteint la lumière depuis une bonne demi heure, Mustafa rentre dans notre chambre pour nous amener des « milshake banana » . Après l’étonnement, on est pris d’un fou rire qu’on essaye en vain de contenir. Mustafa nous explique qu’en Turquie si l’on fait à manger on est obligé de partager avec les invités de la maison. Ca nous arrange bien Maxime et moi, surtout quand le lendemain on nous amène un petit déjeuner au lit.

On rigole bien avec Max dans ce voyage.
Dans le bus de nuit reliant Istanbul à Izmir on fait du bruit en rigolant trop fort à force de regarder un film au scénario absurde dont la langue turc n’arrange pas les choses. Un jour où je vois sur la carte que nous allons longer la mer je dis à Maxime que c’est cool, que ça devrait être « relativement plat ». Au final on a fait 1350m de dénivelé positif sur cette route, et depuis on utilise l’adjectif « relativement » à toute les sauces.

C’est à l’arrivé de ce bus que pour moi l’aventure commence réellement.

Je ne suis pas un athlète et je ne me suis pas spécialement préparé physiquement pour ce voyage. Mon corps me l’a fait rapidement comprendre dès le premier soir, où nous logeons chez Önder contacté par le biais de warmshower.com. En effet après mes 105 premiers kilomètres et les 800 mètres de dénivelé sous 35˚C, j’arrive chez mon hôte et les actions de mon corps semble se dissocier de mon esprit. Je suis très lent à réfléchir et j’ai du mal à appréhender mon environnement ; au plus grand bonheur de Maxime qui rigole bien de me voir comme ça. Mes fesses ont été mises à rudes épreuves et au moment ou j’envisage de passer le restant de ma vie avec une bouée pour m’assoir, Önder nous sers un très gros plat de pâtes. Je reprend des couleurs et je pars me coucher aussitôt.

Onder et son fameux plat de pâtes
Onder et son fameux plat de pâtes

Les autres jours ont été plus faciles même si la violence que mes fesses subissent ne semble pas tellement diminuer la première semaine. Les paysages sont magnifiques, la mer et les montages forment des panoramas somptueux et la clarté de l’eau répond au soleil ardent. Nous longeons la côte méditerranéenne et subissons (enfin surtout moi en réalité) le relief très marqué du pays.

La mer méditérranée se fait belle pour la soirée
La mer méditérranée se fait belle pour la soirée

Dès le début du voyage nous avons variés nos modes d’hébergement pour dormir.
Parfois dans la tente en camping sauvage s’il y a trop de moustique, parfois à la belle étoile si la chaleur est trop forte. En réalité nous connaissons quasiment tous les soirs la joie de subir ces deux paramètres dont la complémentarité rend la tache de dormir particulièrement ardue. Nous avons rapidement abandonné la tente pour dormir exclusivement à la belle étoile du fait de la chaleur étouffante.
Nous logeons parfois aussi chez l’habitant par le biais du site warmshower, ce qui est vraiment plus confortable et aussi plus fatigant car ça nous oblige à tenir une conversation, ce qui n’est pas nécessairement chose aisée après une longue journée de vélo. Les quatre hôtes que nous avons contacté par ce site ont été splendides, en particulier Ersin en Cappadoce qui nous a accueilli comme des rois en nous laissant rester dans sa maison autant de temps que nous le souhaitions.

Quelque nuits ont été mémorables. La première où l’on a mis la tente a 10m d’un petit manège se transformant en discothèque se démarque des autres. A l’esprit me vient aussi la nuit dans un camping de Hippie dans une espèce de cabane complètement ouverte (juste un toit en paille et un sol en bois), ainsi qu’un soir où nous avons dormi au milieu des ruines du site romain Pinara. C’est devant le Théâtre antique que nous avons planté la tente.

Losque le gardien n'est pas là, les français dansent
Losque le gardien n’est pas là, les français dansent

Je retiens deux soirs relativement stressants. Un soir nous avons dormi dans une crique aussi minuscule que magnifique et au moment de se coucher on remarque que la mer est très agité et quelle ne cesse de monter.
Nous étions entouré de rocher où l’on ne pouvait pas dormir. nous avions donc très peu d’espace pour dormir et la nuit était déjà tombé depuis une bonne demi-heure. Nous décidons de dormir à moins d’un mètre de la mer en espérant qu’elle ne viendra pas nous lécher les pieds au milieu de la nuit. Le soir d’après, nous nous sommes installés dans un champs et nous avons découvert peu de temps avant de dormir que nous étions juste a coté de plusieurs dizaines de chèvres juste de l’autre coté d’un petit sentier. Nous nous endormons en espèrent qu’elles non plus ne viendront pas nous lécher les pieds au milieu de la nuit.
Finalement nos pieds n’ont intéressé ni la mer agité ni les chèvres du fermier.

A partir du milieu de notre séjour en Turquie nous décidons d’avancer moins vite afin de pouvoir mieux profiter du paysage et d’enchainer les visites de ruines antique, en particulier moi qui souhaite « engranger du routard ». Nous visitons des sites romains magnifiques ainsi que des villages anciens sublimes. Un coup de coeur de ce voyage à été les ruines immergées de l’île de Kekova. Les routes que nous empruntons le long de la côte sont à couper le souffle, nous roulons a pleine vitesse au flanc de montagnes imposantes qui donnent directement sur la mer, nous admirons le paysage sans voir les kilomètres défiler….

Les ruines immergés ne manquent pas de charme
Les ruines immergés ne manquent pas de charme

Ce voyage m’a offert son lot de difficulté et d’épreuve. Au début c’est surtout mes fesses qui me font souffrir a raison des 6000 frottements de ces dernières sur ma selle en cuir. A cela s’ajoute le dénivelé sous un soleil de plomb. Certaines montées ont été interminables et sans Maxime devant moi pour me motiver je n’aurais probablement pas réussi à prolonger aussi longtemps mon effort. Il nous est souvent arrivé de suer comme des gorets. Cela semble tellement familier au bout de plusieurs jours que quand nous entrons dans un magasin nous passons pour deux gros porcs, surtout que nous gardons quasi systématiquement notre veste de sécurité jaune fluo à bande réfléchissante, ce qui n’arrange pas notre peu de discrétion. Les derniers jours le long de la côte ont été particulier difficiles en début d’après midi où la température ressentie frôlait les 42˚C.
Les transports dans les villes ont été également difficiles. Sortir d’Istanbul avec un vélo relève de l’exploit. On prend les vélos dans le tram, qui est bondé, puis dans le métro – où c’est interdit en journée -, qui est encore plus bondé après une centaines de marche d’escaliers. Ce fut également stressant de prendre le bus de nuit Antalya-Kayserie où le chauffeur de bus a commencé par nous dire que se ne serait pas possible de prendre les vélos dans le bus.

 

Ivre de fatigue, il s'endort sans remarquer la vue derrière lui
Ivre de fatigue, il s’endort sans remarquer la vue derrière lui

La partie en Cappadoce à été un pur bonheur. Nous avons logé pendant 4 jours dans une très belle ville au coeur de cette magnifique région. Notre confort à été assuré par notre nouvel ami Ersin qui s’est donné du mal pour que nous nous sentions chez nous dans sa maison alors que nous lui offrons rien en dehors de notre compagnie. Sa ville est une excellente base pour partir à la découverte des églises byzantines taillées dans la roche et des « cheminées de fée », ces longues roches fines et pointues. Nous ne sommes désormais plus itinérant ce qui est confortable, nous avons tout les soirs un lit et une douche, un luxe que nous n’avons que très peu eu.

L'altitude a fait perdre ses cheveux à Maxime
L’altitude a fait perdre ses cheveux à Maxime

J’ai connu énormément de nouvelles expériences lors de ce voyage de 3 semaines. Je suis parti sans trop réfléchir à quoi m’attendre, c’est principalement par curiosité que je me suis lancé dans cette aventure. Je me demandais comment mon grand frère pouvait réussir son projet, ce projet qui me paraissait déraisonné. Comment faisait-il pour se nourrir ? Comment faisait-il pour se loger ? Comment faisait-il pour communiquer dans un pays où il ne connaissait rien de la langue nationale ? La réalité est en fait simple, une fois lancé dans son voyage tout se déroule de manière naturelle. Partout les gens dorment, mangent et comprennent le langage élémentaire des mains, quelque soit leur âge, leur nationalité ou leur religion. Les turques se sont montrés particulièrement serviables et sympathiques, je retiens particulièrement la bonté de nos hôtes qui nous ont logé et nourri gratuitement.

 

Je retiens de ce voyage des moments d’intenses bonheurs et de bien-être, des moments magiques où j’ai contemplé une multitude de paysages grandioses, ainsi que des moment d’efforts physiques et moraux récompensés par des sentiments nouveaux de liberté.
Mais je retiens surtout une furieuse envie de parcourir le monde.

 

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